Cour d’Appel de Paris ARRET DU 27 FÉVRIER 2019
Pôle 5 – Chambre 3 N° RG 17/03247
Sur la prescription
Les appelants exposent que la rétractation intervenue selon acte d’huissier de justice du 14
mars 2014 de la bailleresse de son offre de renouvellement est prescrite par application de
l’article L145-60 du code de commerce car il s’est écoulé plus de deux ans depuis la
notification du congé le 27 janvier 2012 ; que c’est le droit à rétractation qui est l’objet de
la prescription et non pas la seule action en justice. Les appelants ajoutent qu’à supposer
que ce soit seulement l’action en validation d’un acte de rétractation qui soit soumise à la
prescription, celle-ci devrait courir à compter du congé délivré le 27 janvier 2012 car c’est
à compter de cette date que la bailleresse pouvait agir en justice et non à compter de sa date
d’effet ; que l’assignation ayant été délivrée le 18 juin 2014, son action est prescrite.
L’intimée rappelle que l’acte de rétractation du bailleur intervenu le 14 mars 2014 l’a été
dans le délai de prescription de l’action en fixation du loyer dont le point de départ de la
prescription biennale est fixé au jour de la prise d’effet du nouveau bail c’est à dire à partir
du jour pour lequel le congé a été délivré, soit le 1er août 2012. Elle soutient qu’en
conséquence la prescription de deux ans pendant laquelle le bailleur pouvait exercer son
droit de rétractation a commencé à courir le 1er août 2012 et n’était pas arrivé à échéance
au jour de la notification de l’acte de rétractation le 14 mars 2014 ; que l’assignation aux
fins de voir dire que l’offre de renouvellement est rétractée a été délivrée dans le délai des
deux ans à compter de l’acte de rétractation.
La cour rappelle que l’article L 145-60 du code de commerce prévoit que toutes les actions
nées du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
La rétractation de l’offre de renouvellement peut intervenir à tout moment tant que le
nouveau bail n’a pas été conclu soit, en l’absence de procédure de fixation du prix du bail
renouvelé, tant que la prescription biennale pour la fixation du loyer n’est pas acquise et
si une telle procédure a été engagée, jusqu’à l’issue du délai d’un mois qui suit la
signification de la décision définitive de fixation.
Il est admis que la prescription biennale pour l’action en fixation du loyer part à compter
de la date de prise d’effet du nouveau bail.
Par actes d’huissier de justice du 27/01/2012, la SCI Y a notifié à M. X et à Mme X un congé avec offre de renouvellement du bail à effet au 01/08/2012, moyennant un loyer annuel en principal de 18 000 euros.
Par acte d’huissier de justice du 14/03/2014, la SCI Y a notifié à M. X et à Mme X la rétractation de son offre de renouvellement et le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, pour défaut d’immatriculation de l’un et de l’autre à la date du 01/08/2012.
Il s’ensuit que la prescription biennale de l’action en fixation du loyer part à compter du
01/08/2012 ; que lorsque la SCI Y a notifié la rétraction de son offre de
renouvellement le 14/03/2014, la prescription de l’action en fixation du loyer n’était pas
acquise de sorte qu’elle pouvait valablement rétracter son offre de renouvellement à la date
du 14/03/2014, son droit à rétractation de l’offre de renouvellement n’étant en conséquence
pas prescrit.
Il est admis que le délai au-delà duquel, il n’est plus possible d’engager une action tendant
à faire valider un acte ou à en contester la validité, court à compter de l’acte.
En l’espèce, la SCI Y a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une
action en validation de l’acte de rétractation du 14/03/2014 par assignation du 18/06/2014
soit dans le délai de la prescription biennale ayant commencé à courir à compter du
14/03/2014, date à laquelle le droit du bailleur à exercer son droit à rétractation n’était pas
prescrit comme cela a été précédemment relevé.
Au regard de ces éléments, le droit de la bailleresse à procéder à la rétractation de son offre
de renouvellement et son action afin de voir valider ledit refus de renouvellement sans
offre d’indemnité d’éviction ne sont ni prescrits, ni de nul effet.
Sur l’impossibilité pour la bailleresse de revenir sur son offre de renouvellement, alléguée
par les appelants
Contrairement à ce que semblent prétendre les appelants, le fait qu’à la date de rétractation
de l’offre une action en fixation du loyer était encore possible est sans incidence puisque
ce qui importe c’est qu’en l’espèce, le locataire n’a pas donné son accord sur le prix du bail
renouvelé à la date de la rétractation de l’offre par la bailleresse qui lui conteste le bénéfice
du droit au renouvellement pour défaut d’immatriculation.
La cour rappelle qu’en vertu de l’article L 145-1 du code de commerce, l’immatriculation
des locataires au registre du commerce et des sociétés à l’adresse des locaux loués constitue
l’une des conditions du droit au statut des baux commerciaux et qu’il est admis que la
condition d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés doit être remplie à la
date de la demande de renouvellement ou de délivrance du congé et à la date d’expiration
du bail.
Les appelants n’établissent pas qu’à la date du congé portant offre de renouvellement, ni
à la date d’effet dudit congé, la SCI Y , aurait renoncé à se prévaloir du défaut d’immatriculation des locataires à l’adresse des locaux loués ; que contrairement à ce qu’ils soutiennent, une telle renonciation ne saurait résulter de la seule connaissance le
cas échéant de cette situation par la bailleresse lorsqu’elle a accepté le renouvellement du bail avant de se rétracter en leur déniant le bénéfice du droit au statut ; que les appelants ne sont pas fondés à imputer à la bailleresse les conséquences de leur propre carence. En outre, il n’appartenait pas à la bailleresse avant d’offrir le renouvellement du bail, de
s’assurer elle-même que les locataires réunissaient toutes les conditions statutaires pour l’obtenir et ce n’est qu’après avoir fait délivrer le 17 février 2014 un commandement de payer visant la clause résolutoire qu’elle a procédé à une levée des extraits Kbis, datés du 11 mars 2014, lui permettant de se rendre compte que les appelants n’étaient pas
immatriculés à la date du congé.
Les appelants sont radiés du registre du commerce et des sociétés depuis le 23/08/1989 pour le premier et depuis le 14/09/2011 pour la seconde, ce qui n’est pas contesté par les appelants.
Il s’ensuit qu’à la date de délivrance du congé le 27/01/2012, M. X et Mme
X n’étaient plus immatriculés au registres du commerces et des sociétés étant
au demeurant observé qu’ils ne l’étaient pas davantage au 01/08/2012, date d’effet du
congé.L’intimée a valablement et légitimement rétracté au visa de l’article L.145-1 du code
de commerce, par acte extrajudiciaire du 14/03/2014, l’offre de renouvellement
figurant dans le congé du 27/01/2012, pour défaut d’immatriculation.
Publié le 14 mars 2019